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Guillaume d'Aquilée

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#398359 Thrène de la Terre Étrangère

Posté par Guillaume d'Aquilée - 21 juin 2023 - 10:22

/ Note : Ce poème constitue une sorte de réponse ou de prolongement à la Ballade des Inconsolés./


Qui barque la nuit Ô marée de mainmorte ?
Les joues de porphyre sous le ciel de jade ?
Écume ! Bruisse donc ma poussière !

Il s'épanche ici-bas une seigneurie
Galette de froment et babeure sur nos terres baratteés
Quinconce de ruches sonores
Aux derniers embruns de la rose humide de la nuit

Et la nuit s'ouvre encore à la nuit
Entre les dents de fer du soleil d'équinoxe
La montagne bleuit par-dessus le lac rougeoyant
Déjà le firmament qui piaille
Quand les étoiles hurlent

Et dans l'herbe tachée de mousse fuit le lièvre bouquin
Rosée ! Attarde-toi sur mon sépulcre
Ici l'amour fut assassiné


#395887 I See my Horse Coming from Afar

Posté par Guillaume d'Aquilée - 02 juin 2022 - 01:13

Je vois mon cheval qui s'en vient lentement
Sous le ciel atone où la lune blafarde
À peine ébauche l'ombre
De la pierre où mon pied s'est foulé

Icône d'un pays mort le lit asséché
D'une rivière qui n'est plus
De la rivière qui s'est bue
Toute entière comme la honte

Je vois mon cheval qui se penche dolemment
Vers la terre stérile des larmes fossiles
Où la lune de sang
Morne calame des nues atrophiées

Trace un psaume de cendres
Sur mon pays qui n'est plus
Je vois mon cheval, mon cheval aux yeux rouges
S'affaler sur le calcaire et la pierre et la cendre

De mon pays au fleuve qui n'est plus
De mon pays qui hurle par le sang de nos pères
De mon pays qui brûle du souci de nos mères
Et la lune blême se mire songe favorable
Dans le miel amer de l'angoisse et dans le lait des remords

Ô nomade fidèle, doux oiseau de la patience !
Où t'es tu enfuis ? Et où ton nouveau pays ?
Mon cheval est mort et mon pied gangrène
Je n'ai pas d'ici qui ne fus tien
Et pas d'ailleurs loin de ton chant

Ô étranger sur la terre ! Tu bénis qui t'as béni !
Louange sainte plus inexorable que la mort !


#395879 Élégie pour un Enfant

Posté par Guillaume d'Aquilée - 30 mai 2022 - 09:58

Raconte-moi la terre
Pieds nus sur les rochers
Tes yeux sur la batture
Parmi les hautes herbes

Raconte-moi l'étang
Au coeur de la forêt
Et les soldats tombés
Autour de la colline

Je te dirai la mer et l'hiver
Et le sort
Du tout petit enfant
Que tu tiens dans tes bras

Raconte-moi le bol
Qui fume sur la table
Tes yeux vers la fenêtre
Par la tiède pluie battue

Raconte-moi ma mère
Au creux de nos bras d'enfants
Et les étangs vidés
Dans la forêt en cendres

Je te dirai la mer et l'hiver
Et le sort
Du tout petit enfant
Que tu tiens dans tes bras

Raconte-moi l'heure du soir
L'oiseau qui s'endort en ses ailes
Le vent qui froisse l'eau du lac
Mes bottes sur le seuil

Et raconte encore la porte qui se ferme
Sur nos larmes desséchées
Et l'arbre qui craque sous leur poids de mort
Dans la nuit que mon étoile déserte

Je te dirai l'hiver
Et l'hiver de l'autre hiver
Près du corps
Du tout petit enfant
Sous sa couronne de jasmin blanc


#394553 Fleur de Lys

Posté par Guillaume d'Aquilée - 28 décembre 2021 - 05:32

Dis, qui est l'ami? Celui qui frappe à ta porte et la puanteur des morts n'effleure point la face du voyant.
L'étrangère en son drapé de feutre et de satin apporte des nuits sans étoile une liqueur aux effluves d'encens d'une contrée qui fut presque tienne, et son ivresse est amertume dans ta gorge sous les poussées de l'autre hiver - neige et cendre sur les tombes, et ton royaume est tout entier dans cette fleur du premier matin de l'an - lys devenu vert sous le soleil à n'avoir point porté de fruit.
Car le soleil sait mentir aux pères des grandes dynasties, les convoquant près des plus blanches tombes dont ils forment leurs palais sur l'ossuaire des hommes sans fortune - et c'est parmi de tels hommes sans noms, sans terres ni visage qu'un lys est venu mourir avant que de faner et laisser la terre intacte de ses fruits pour le repos des morts que des rois rouges et jaunes ont envoyé piller des terres étrangères pour leurs fils atrophiés de tous membres et de tous sens.


#392719 Le vent s'est tu

Posté par Guillaume d'Aquilée - 12 octobre 2021 - 04:42

Le vent s'est tu dans les herbes hautes
Un cri de choucas dans le lointain
L'écho du clocher dans tes yeux morts

Le bois verdissant obscène et beau
Le ruisseau où bondit une truite
Et la nuit silence de la nuit

Nuit sans étoiles dit au coeur lourd
La rose est enfant des trépassés
Claire comme l'oubli de la tombe

Goût de sang dans le songe apeuré
Et le pas hésite en terre étrange
Le vent s'est tu dans les herbes hautes


#392381 Une infinité de fois

Posté par Guillaume d'Aquilée - 24 septembre 2021 - 12:34

Une infinité de fois Dieu a créé ce monde
Une infinité de fois Dieu a détruit ce monde

Une infinité de fois Dieu a créé une infinité de mondes
Une infinité de fois Dieu a détruit une infinité de mondes

Une infinité de fois je suis né dans ce monde et dans tous les mondes
Une infinité de fois je suis mort dans ce monde et dans tous les mondes

Une infinité de fois je fus sauvé et déifié
Une infinité de fois je fus déchu et damné

Une infinité de fois la création du monde fut un bond joyeux hors de soi
Une infinité de fois la création du monde fut un effondrement de soi en soi

Une infinité de fois Souffrance appela la fin de toutes choses
Une infinité de fois Félicité voulut l'éternité de toutes choses


#392283 Élégie pour un Familier

Posté par Guillaume d'Aquilée - 19 septembre 2021 - 10:28

Un temps j'ai désiré l'encan des larmes dans la nuit de sang
coeur frappé au marteau des morts encre d'une larme au goût de sang

Déjà ce n'est pas moi ce n'est pas moi
Qui tinte à ta fenêtre
Ce n'est pas moi c'est le vent
Le vent qui porte la voix des morts
Déjà à ta fenêtre tu ne m'attends pas
Tu ne m'attends pas et je suis mort
Comme le vent qui bruisse le saule
Sur la rivière où tout chante
Tout ce qui vit et ne vit pas
Tout un chant de non-nés dans le vent sur la rivière
Dans le vent qui bruisse le saule et le bois de cyprès
Par la falaise de gypse par le bois qui piaille
De milliers d'oiseaux de flamme sur la carrière de gypse
Et c'est presque l'empreinte de ton pas sous les branches lourdes d'oiseaux hurlant la cicatrice d'un nom
D'un nom qui fut peut-être le tien lorsque tu pensas m'appeler
Avant que de dormir dans la chaumière où cuit le pain des morts sur un feu de tourbe

Tu as cru peser mes mots ce n'étaient que mes larmes
Mes larmes à l'encan dans la forêt de gypse
Mon coeur à l'encan dans la forêt des morts


#391430 Vocation du Poète

Posté par Guillaume d'Aquilée - 12 août 2021 - 09:01

J'ai dit à l'aube nouvelle
Éclaire mon sentier mais ne me conduis pas
Ouvre les yeux des enfants endormis
Mais ne lave pas leurs larmes de la veille

J'ai dit au vent qui annonce la pluie
Ne sèche pas la sueur de ceux qui tombèrent sous le ciel de midi

Et à la pluie que porte l'orage
Que ceux qui ferment leurs fenêtres sont parents de nos morts
Et à l'orage qui gronde
Éclaire la chambre de qui n'a pas fermé les volets de ses fenêtres


#391338 Petite mère

Posté par Guillaume d'Aquilée - 08 août 2021 - 11:11

Bravo! C'est un poème touchant pour maintes raisons, un poème a relire. Le vers "Est-ce la pluie d'automne qui frappe l'huis" ne sonne pas pour moi, peut-être à cause de ma faible connaissance de la langue.


J'ai effectué une petite correction.


#391325 Petite mère

Posté par Guillaume d'Aquilée - 08 août 2021 - 12:17

En général dans mes poèmes une brisure du rythme est signe de la mort proche.
Voyez Nox Noctis par exemple, un sonnet élégiaque.


#391318 Petite mère

Posté par Guillaume d'Aquilée - 08 août 2021 - 10:45

C'est le deuil qui frappe à la porte (le coeur) ou peut-être déjà la mort (l'hiver).


#391307 Petite mère

Posté par Guillaume d'Aquilée - 07 août 2021 - 09:44

Était-ce toi petite mère ou bien la pluie
Est-ce ton frêle pas sur le parquet qui luit
Est-ce une pauvre larme encore ou bien déjà
Est-ce la mort qui veille ainsi que le naja ?

Est-ce ton frêle pas sur le parquet qui luit
Petite mère qui naguère et qui déjà
Était ma joie ma seule étoile dans la nuit
Soeur insouciante qui mon coeur lourd allégea ?

Est-ce une pauvre larme encore ou bien déjà
Est-ce la pluie de l'automne qui frappe l'huis
Ou l'hiver qui sur la forêt muette neigea
Quand mon cœur désolé se brisa dans la nuit ?

Est-ce la mort qui veille ainsi que le naja
Petite mère chère à la vie qui s'enfuit
Est-ce la mort déjà qui frappe et griffe l'huis
Frappe et griffe mon coeur que ta grâce allégea ?

 


#386719 Psithyrismós

Posté par Guillaume d'Aquilée - 03 mars 2021 - 08:02

J'ai désiré dans la nuit
J'ai désiré dans la nuit sainte
J'ai désir que peut-être
Que peut-être toi
Toi toi-même
Toi toi-même tu
J'ai désir que
Que oui
Que tu prennes souci
Souci dans ton coeur
Mais sans te blesser
Comme respirer près de ta paupière
Mi-close en ton demi sommeil
J'ai désir que peut-être
Une larme nous endorme
Et on dira
On dira que peut-être
Ce fut larme d'un ange
Et que la rose ne fut pas belle vainement.


#386478 Voisinages

Posté par Guillaume d'Aquilée - 26 février 2021 - 06:44

Entre le terreau et l'argile
Comme sous un voile
Le cri de l'Insoupçonné
Telle une ombre qui dit au soleil
Que ton corps de potier n'est pas encore tombé

Rassemble les orgueilleux près de la rivière
Laisse le glacier au printemps
Craquer la glace sous leurs pieds
Tu n'as d'autre soeur que ta mort
Et les amitiés sûres des hôtes
Qu'elle confie à ta mémoire hurlante.


#386452 Rythmes

Posté par Guillaume d'Aquilée - 25 février 2021 - 04:07

À travers les nuages
Tu
Seulement tu
Passes comme taisent l'azur
Des oiseaux retour d'étoiles mortes
Les oiseaux comme une lumière fantôme
D'une bénédiction qui presque fut

Sur la terre qui n'est plus
Même le repos des morts
Tu
Seulement tu
Cries ce silence qui dérange le bruit
En ce jour où Dieu
Avait des yeux de fauve repu

Dans l'allée de jasmin
Où chanta le rossignol
Tu
Seulement tu
Posas un verre de vin
Près d'un livre au titre effacé
Sous la tête de l'enfant qui dort