Je n’y suis pas. Ici-bas, je ne l’ai jamais été.
Je ne puis être autre chose qu’un reflet menteur,
qui s’interroge et se demande où est son auteur,
languissant de croiser quelque jour son être vrai.
Selon la légende, dans un lointain pays de délices,
s’écoule de profondeurs invisibles un flux miroitant.
Sur ses berges sableuses, quantité d’êtres éclatants,
d’âmes saintes se mirent, penchés sur l’eau tels des lys.
D’une éclatante lumière leurs traits sont éclairés,
l’air vacille, saturé d’une beauté sans pareille.
C’est le royaume des purs esprits où veille
celle que je suis dans un éternel été.
Le reflet arraché à sa source réfléchissante,
finalement emporté par un courant rageur,
erre sans savoir où il va, inconsolable rêveur.
Inachevé, il se cherche en une quête incessante.
Mais n’est-ce pas ce flot lointain que j’entends ?
Profondément en moi il semble couler encore.
Caché là où la vie mêlée au couchant s’évapore,
divinement engendré, mon véritable moi m’attend.
Extrait du recueil Moln (Nuages, 1922) traduit du suédois par Leo Dhayer
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