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Ariel

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#399802 Casseurs de Pierres

Posté par Ariel - 07 février 2024 - 11:11

Casseurs de pierres (2)

 

Il y avait un grand blessé de guerre assis au bord du canal

Il y avait un réparateur de grand blessé de guerre

Avec des lunettes d’aviateur, remontées sur le front.

- Sur le front, vous n’y pensez pas ? J’en viens. Dans l’état où je suis !

L’aviateur orthopédiste prend ses outils, masse ciseau burin

On l’interroge. C’est une femme !

- C’est pour un autoportrait. Expérimental et subjectif.

Elle se penche sur le corps masculin, acéphale et sans jambe

en frontispice sa note d’inconnaissance.

comme Myrto la tarentine naissant sous le burin.

expérimentale, subjective, insouciante.

...

Elle remonte ses lunettes

les paupières closes, les pieds joints.

- Vous y êtes presque, lui dit une inconnue

continuant son chemin vers la Seine

 

 

 

7/2/2024

(c'est mieux étayé comme ça. Non ?)




#399801 Répondre à travers un jardin

Posté par Ariel - 07 février 2024 - 11:08

Répondre à travers un jardin

 

C’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain ne l’écoute pas.
(Victor Hugo)

Un homme, -homo habilis :
« -C’est une triste chose... »

Un homme voûté, marchant par les allées et les moisissures
voûté marchant mains jointes dans le dos, pensant
que c’est une triste chose
de penser avec ses pieds
entre les flaques d’eau sauvage

Eaux sauvages, eaux fouillis

- Oui – Non ? - Si ! - Vous croyez ?
Tout un dialogue, entre les eaux, la lumière,
les oiseaux, et aussi tout ce qui n’a pas de nom
Mais ils parlent, ils parlent
ils parlen
t
« -C’est triste de penser, disent-ils, comme un homme marchant voûté mains dans le dos »

Homo habilis s’est redressé -comme jadis
il a entendu quelque chose
Portant la main qu’il avait dans le dos à son oreille droite :

« -Qu’y a-t-il ? »
Il ne sait pas que la nature parle alors il se parle à lui-même. Il faut bien commencer par quelque part. Il entend un bourdonnement dans son oreille droite. Se rappelle.
« -Au début, il y avait les abeilles... »

Entre les flaques d’eaux, il continue
le piquant des herbes, le fouillis des ronces entre les jambes
jusqu’au verger oublié. Les feuilles, en tas
Des feuilles mortes et des feuilles pas tout à fait mortes mais bientôt.
Et un pommier

« -Une femme »

Quelque chose de familier
« - Ne l’écoute pas , dit Dieu
- Mais c’est la nature dit Homo habilis
- Ne l’écoute pas »
Quelque  chose est passé, familier
le temps peut-être
une balançoire sous le pommier
un escargot qui traverse le désordre, le fouillis, les allées
Un escargot qui traverse les adventices les pensées en désordre
les ruines de pages à connaître, des salades oubliées
la nature humaine, quoi
inattentive

Des feuilles rassemblées entassées, oubliées par le vieux râteau
près de la balançoire
et quelque part dessous,
sous la peau de la terre :
- un noyau.




#399741 Casseurs de Pierres

Posté par Ariel - 29 janvier 2024 - 11:19

Casseurs de pierres

 

Il y avait un grand blessé de guerre assis au bord du canal

Il y avait un réparateur de grand blessé de guerre

Avec des lunettes d’aviateur, remontées sur le front.

- sur le front , Vous n’y pensez pas ? J’en viens. Dans l’état où je suis !

L’aviateur orthopédiste prend ses outils, masse ciseau burin

On l’interroge.

- C’est pour un autoportrait. Expérimental et subjectif.

Il se penche sur le corps masculin, acéphale et sans jambe

avec sa note d’inconnaissance.

La tarentine naissant sous le burin.

Expérimentale, subjective, insouciante.

Elle remonte ses lunettes

les paupières closes, les pieds joints.

Vous y êtes presque, lui dit l’inconnue.

 

 

(avec l’assistance bienveillante de René Iché, Laurence Iché et Joe Bousquet

Quimper, atelier d'écriture surréaliste le 27 janvier 2024)

 




#397625 (post it : un homme R)

Posté par Ariel - 02 mars 2023 - 11:48

Ah oui... la circonspection d'Ulysse devant la roue de Deming, et le petit cobaye à l'intérieur




#396905 L'ombre d'un doute

Posté par Ariel - 10 décembre 2022 - 12:25

La version "téléphone" donne une écriture cursive italique qui va très bien au texte.

 

Je ne suis pas savant en prosodie, mais à la lecture c'est d'une métrique horlogère.

Et je dirais inéluctable alors que tu sembles rechercher quelque chose d'à contre-courant.

 

L'écrivaine se cherche, le lecteur se trouve...




#396309 La terre aura tremblé

Posté par Ariel - 21 septembre 2022 - 04:03

De la sensualité sans crudité, de la transparence sans mièvrerie.

 

Tu marches en équilibre sur un fil, à mots choisis. Circassienne, c'est cet équilibre que j'admire le plus.

 




#396232 L’esprit de l’escalier

Posté par Ariel - 06 septembre 2022 - 10:19

L’esprit de l’escalier


On traverse le rêve mais c’est celui des autres.

Elle s’est levée du banc, a quitté le jardin aux ombres centenaires, a traversé la rue, les odeurs de la rue, les bruits de la rue. A refermé la porte, s’est coulée entre les murs de l’histoire, rejoindre l’odeur du café et le parfum de fruits mûrs.

Entendre des pas. Ils viennent vers vous, le savez-vous ? Vous le savez. Les marches sont lentes. De bois, de clous, de cire. Fatalement, lentes. Et la voie étroite.

Se retourner pour comprendre l’inaccessible. La lumière au-dessus de l’échafaud. Je ne pouvais imaginer le lieu dans le noir. Le sombre, ou l’obscur, oui. Mais monter dans le noir complet, occupant entièrement l’espace, comme un zéro le vide: non. Il y aurait toujours une source de lumière - comme une mémoire- et sans espoir de jamais tout recommencer.

Pourtant j’ai vu des oiseaux qui n’existaient pas. Ils étaient bien là, dans leur cage ouverte.
Il y avait une mer verticale, dressée, droite. Un arbre et une maison que je ne connaissais pas. Ou une maison et un arbre, on ne pouvait savoir lequel avait précédé l’autre.
«  - Allez-y, allez-y, je vais rester là et vous regarder partir. »
Je marchais je marchais. Anna Andreïevna toujours à la même place je me retournai elle était devenue minuscule mais la canne se levait encore, je la voyais l’agiter.

On ne pourrait jamais tout recommencer




#395224 Miettes

Posté par Ariel - 24 mars 2022 - 08:47

Bonjour Laurence, je pose ici un échange entre plusieurs auteurs de TLP, Gilles, Françoise/Suhali, Ida, Emile, Je.

Sur un site que Gilles avait créé à côté. Par accointance, par connivence. La mise en forme est très désordonnée.

J'avais fait un copié/collé de ce moment de richesses transmises, c'est un bon exemple de ce à quoi il est toujours, à mon avis, possible d'arriver

 

 

PETITE CHRONIQUE DU JOUR

I

Est-ce que je vous ai dit qu'au centre du grand salon, dans son appartement,
On voit une assiette dans laquelle un cygne pond un œuf tous les matins ?

Trois portes vitrées donnent sur un balcon et sur le tapis traîne un ballon.
Et puis, j'oubliais, elle a une sœur très jeune, belle le jour et la nuit, alternativement.
 

 

Suhali a écrit:

Le cygne est important... que symbolise-t-il pour toi ?

 

Pense à Léda et le Cygne.

Suhali a écrit:

Ce qui est derrière les trois portes est important ?

 

Les trois portes sont une allégorie orientale de la sagesse ; s'accepter soi-même, accepter le monde, accepter les autres. Mais cela n'a aucun rapport avec mon poème. J'ai mis trois portes simplement pour conserver les proportions magnifiques du salon.

Suhali a écrit:

Ce que l'on peut voir, ou ne pas voir, peut-être, sur le balcon ?

 

On peut voir, de ce balcon, l'univers entier. Mais c'est le cas de tous les balcons. Les étoiles sont les objets les plus anciens que l'on puisse voir.

Suhali a écrit:

Jeux de miroirs dans les fenêtres où les reflets empêchent de voir ?

 

Je ne sais pas ; toute la scène se déroule à l'intérieur.

 

 

 

Trois fragments matinaux

 

1

Tu débarrassais la table
Je voyais ta silhouette devant la fenêtre
Ton visage dans l'ombre
Nous étions jeunes
Le matin sautait dans la salle à manger
La remplissait
Après le jardin
Ensuite nous sommes sortis faire le marché
Ton visage dans la lumière
Nous serons toujours jeunes
 

2

Notre jardin satisfait tous nos désirs
L'eau du bassin
Les nuages au-dessus
Les montagnes autour du village
Les bicyclettes parfois
Quand nous retrouvons l'enfance
Les glaces au citron
Nous tiennent lieu de langue étrangère
 

3

Pour les fruits la lumière et le soleil
La grâce du matin
Derrière les murs épais crépis
La lenteur du jour
Ton visage respire et alors se déplace

 

Je reviens souvent lire ce texte.

L'équilibre, la juste distance entre les trois portes du salon.
En chimie, on parlerait d'un état stable.

Je vois une photographie mais on semblerait pouvoir l'enfiler comme un vêtement,
à tout instant,
et d'ailleurs le son de l'eau dans le bassin semble en permanence accompagner l'action -si on peut parler d'action, tout au plus de mouvement ; les personnages ne sont pas animés l'un vers l'autre, ils appartiennent au tableau.

C'est à l'opposé d'une fulgurance, de ces instants si brefs qu'on ne les réalise qu'après les avoir vécus, les regrettant déjà. C'est une intemporalité.

 

 

Chronique d’une réception

 

Si tu étais resté dix minutes de plus, tu aurais peut-être remarqué, dans le petit salon, une femme très mince qui portait une robe azur et un parfum d'été. Il faut dire qu'elle tournait le dos à la porte car elle regardait, les coudes appuyés au rebord de la fenêtre, le soleil se lever. Elle t'a vu sortir de l'immeuble et son cœur a fait un bond. Elle est descendue, mais elle ne t'a pas trouvé sur le trottoir ; je l'ai vue, elle a regardé vers sa gauche, puis vers sa droite, deux ou trois fois. Je sais aussi qu'elle a marché jusqu'à midi dans les rues du quartier, lentement. Elle te cherchait, sans aucun doute. Ma mère est ainsi.

 

Gilles écrit peu, et court.

Il y a des cuisiniers qui concentrent au milieu - et encore pas toujours - de grandes assiettes, le fruit d'un travail long, réfléchi, exigeant. Et que les couverts n'abordent pas de la même façon.

Il y a aussi ces textes que l'on dépose, tous, sur le bord d'une fenêtre, écharpe, pull, simple mouchoir. Mais tissu.
Et puis il y a les textes qui demandent le dévidage de la pelote, de la bobine. On a saisi un fil, on tire et une image naît, ou un souvenir, ou une idée. Une histoire, ou bien une autre.

Ce texte me donne cette impression. Il est plus "émouvant" par ma lecture et ce que je peux y glisser de moi-même que par son contenu, qui reste très "ouvert".


Chambre

(Ida)


Dans ma chambre il y a une porte, une fenêtre. Une fenêtre qui apporte la lumière, qui ouvre sur un ailleurs.
Je suis figée dans un repos forcé. J’ai fait installer sous la fenêtre une table et une chaise. Assise, j’observe tous les mouvements extérieurs. Si rien ne se passe, les variations de couleurs du ciel ou le chant des oiseaux suffisent à ma joie.
Au fil du temps, ce modeste bureau s’est recouvert de papier. Blanc immaculé, d’abord. De plus en plus noirci au fil des jours. Des écrits, des croquis tout ce que crayon à mine ou feutres voulaient bien me livrer. Douce sensation de ne pas être maître de tout et de voir naître des choses jusqu’alors insoupçonnées même de moi.

Puis, des étagères – que dis-je, des boîtes de bois retournées – ont accueilli mes livres de références, dictionnaires, Thésaurus et autres outils, béquilles de mon savoir.

Ma chambre est devenue, d’une chambre de malade condamnée à rester enfermée, un lieu d’effervescence.

Je ne sais plus si j’ai envie d’ouvrir la porte.


Dans ma chambre quittée depuis longtemps, je retrouve à chaque fois que j’y pénètre, un étrange goût mélange de plénitude et de nostalgie. Curieusement, une ombre se dessine devant cette fenêtre drapée dans ses rideaux. Silhouette d’abord omniprésente, elle va s’estompant au fil du temps ne marquant sa présence qu’à des moments bien précis, reflet de mon état d’esprit du moment.
Dans cette chambre, j’ai découvert le goût de l’écriture.
Je chéris le travail que j’ai accompli. L’ouverture sur un monde jusqu’alors inconnu par moi. L’excitation de la recherche du meilleur mot, de l’expression qui traduira le mieux mes intentions. J’adule cette complicité établie avec les mots rendue encore plus profonde qu’une simple lecture. Depuis, la plume compte parmi mes occupations de loisir.
Mais mon lieu d’écriture n’est plus une chambre. J’emporte ma « boîte à écrire » et me déplace au gré de ma fantaisie, du temps qui m’autorise à être dehors ou m’encourage plutôt à m’installer derrière la cheminée. Il m’arrive aussi de craquer au regard suppliant du chat qui souhaite profiter quelques instants de mes genoux. Il connaît la position qu’il doit adopter selon que j’écrive ou que je lise. Je sais qu’écrire sur une table avec lui dans les environs est un exercice périlleux. Un stylo qui court, sans conteste, est un stylo à rattraper et il parvient, très rarement à dominer sa fébrilité.


Dans ma chambre je suis à nouveau confinée. Au crépuscule de ma vie. Les forces me manquent.
Dans ma chambre je suis dans mon lit, je regarde la porte. La fenêtre m’insuffle quelques rayons de vie, apaise mes craintes.

Je sais, que cette porte passée, la fenêtre dès lors cessera d’exister.

 

 

Oui, il y a un petit côté "devoir de français" dans le choix du papier à interlignes, du porte-plume, et du sujet.

Et puis, il y a l'échappée toute buissonnière de l'écriture pour soi qui se découvre,
et c'est le ton sur ton de la maturité sur l'adolescence que je retiens.

Pour visualiser la fuite, c'est la la clôture qu'on enjambe.


"Le rêve est un chasseur d'âmes"

Dans "En Marge", de Jim Harrisson.
- si je ré-écrivais le questionnaire de Proust aujourd'hui,

je crois que je mettrais "Dalva" de ce même auteur, parmi les personnages féminins
dont j'ai préféré lire l'histoire

 

Dalva symbolise bien l'idée de l'innocence perdue, du paradis qui est toujours un paradis "perdu", en effet. Parce qu'on ne sait pas le construire, ou le maintenir (par exemple devant le cynisme ambiant à notre époque). Gilles

 

 

 

 

 

J-Fr.

Fatalement * dans le salon, il y a un miroir. Peut-être pas en tant que tel, mais quelque part un pourvoyeur de reflet.

...

Nous voyons tout dans un miroir, obscur.

Parfois, nous pouvons jeter un coup d'œil à travers la glace, et apercevoir ce qu'il y a de l'autre côté.

Si la glace était entièrement transparente, nous verrions beaucoup plus. Mais nous ne pourrions plus nous voir nous-mêmes...


Jostein Gardeer
"Dans un miroir, obscur"

 

Françoise :

Fatalement, cela va très bien. Il y a toujours un miroir quelque part. Ne serait-ce que dans un regard.
Reste à savoir ce que l'on voit : la réalité ou ce que l'on veut y trouver ?
Et derrière le miroir, qui peut dire comment y aller ?

 

Emile

Il y a aussi notre voix qui résonne. Ecouter son écho dans le lointain peut-être une leçon enrichissante même si il est plus délicat à percevoir. Je pense à l'instant : à Versailles, il y a une galerie des glaces mais pourtant de Louis XIV à Louis XVI, les monarques ainsi que toute la cour qui les ont accompagné ne sont sont jamais remis en cause. Peut-être parce que ils étaient des vampires. Le miroir est un mystère, et il l'est parce qu'il reflète notre image qui elle, est le vrai mystère. Ainsi faut-il s'attarder sur le miroir ou sur nous-mêmes. Voir au delà de nous-même, c'est dépasser notre propre reflet. C'est en s'appliquant à se rechercher, rechercher dans notre intérieur qu'on peut percevoir au delà du simple miroir. Malheureusement je n'ai encore atteint aucun stade de méta-perception, mais cela n'est pas forcement négatif. Parfois, l'instant existenciel se trouve sur le chemin qui mène à la montagne et non au sommet de cette montagne.

 

J-Fr.

Ecouter son écho dans le lointain
Et derrière le miroir, qui peut dire comment y aller ?

Dites-vous ...

Hop …

Petite association d’idée. J’ai pensé à Heurtebise.
Il est le vitrier qui permet le passage, dans l’« Orphée » de Jean Cocteau.

J’aime beaucoup ce mythe, les directions multiples par lesquelles on peut s’y enfoncer.

Et si Eurydice était la représentation du passé, de la mémoire.

Si ce qu’il ne devait pas voir, c’était la réalité en face de l’imaginaire de son vécu.
J’aime bien cette notion d’écho dans le lointain.

La quête de son propre reflet, je ne la vois pas dans le moment lui-même. L’instant appartient à l’instant.
La mémoire, toute subjectivité qu’on puisse lui concéder, a le mérite du recul, ce que n’a pas Jean Marais sur l’image que je tenterai de joindre quand Shack sera remonté dans son train.

...

Image à venir !




...

"Un jour que j’allais voir Picasso, rue La Boétie, je crus, dans l’ascenseur, que je grandissais côte à côte avec je ne sais quoi de terrible et qui serait éternel. Une voix me criait: "Mon nom se trouve sur la plaque !" Une secousse me réveilla et je lus sur la plaque de cuivre des manettes: ASCENSEUR HEURTEBISE. Je me rappelle que chez Picasso nous parlâmes de miracles ; Picasso dit que tout était miracle et que c’était un miracle de ne pas fondre dans son bain comme un morceau de sucre. Peu après, l’ange Heurtebise me hanta et je commençai le poème. À ma prochaine visite, je regardai la plaque. Elle portait le nom OTIS-PIFRE ; l’ascenseur avait changé de marque". Heurtebise suivra pas à pas la vie de Cocteau qui lui consacrera le plus beau poème du recueil Opéra et qui en fera un personnage d’Orphée, la pièce, sous les traits d’un vitrier (aux ailes de verre !), avant de réapparaître dans Orphée, le film, sous ceux non plus d’un ange (quoique "ange" veuille dire "messager, envoyé"), mais du chauffeur très stylé de la Princesse et, dans Le Testament, sous ceux d’un juge, le juge d’Orphée.

Heurtebise livre à Orphée "le secret des secrets", mais il livre aussi au lecteur/spectateur celui de l’idée poétique qui transforme les miroirs en portes de la mort: "Regardez-vous toute votre vie dans une glace et vous verrez la Mort travailler comme des abeilles dans une ruche de verre." Pendant l’été 1924, l’été qui a suivi la mort de Radiguet, Cocteau devant la glace de sa chambre à l’hôtel Welcome de Villefranche pensait au disparu et dessinait inlassablement son propre visage dans l’extraordinaire série des autoportraits du Mystère de Jean l’Oiseleur.
Sous le coup des remaniements et des libertés prises par Cocteau en s’emparant du mythe, liberté qui deviendra totale dans Le Testament d’Orphée, Cocteau dessine en fait le visage du poète, dont "une excellente définition" nous est donnée par Heurtebise: "individus pareils à un infirme endormi, sans bras ni jambes, rêvant qu’il gesticule et qu’il court". Orphée n’est plus l’amoureux qui affronte les dieux pour retrouver sa femme. Il est le "poète", c’est-à-dire l’être capable, au prix d’un vertige constant qui donne la nausée, d’aller et de venir entre les mondes, celui des morts et celui des vivants. C’est ce que lui reproche le "juge" Heurtebise: "Vous êtes accusé de vouloir sans cesse pénétrer en fraude dans un monde qui n’est pas le vôtre".

 

Gilles

Jean-François a écrit:

Fatalement* dans le salon, il y a un miroir.

 

Il est significatif que les miroirs, dans les salons, soient souvent accrochés au-dessus de l'âtre. Du moins, le plus grand de tous ceux qu'on a dans les salons. Les miroirs des salles de bains, ceux des halls d'entrée, ont un autre rôle. Alors, le miroir du salon, le grand, est la fenêtre froide, tandis que le feu est la fenêtre ardente. Il y a équilibre. Le mot de « fatalité » est donc bien choisi, c'est une notion que nous avons perdue, mais qui informait la vie de nos ancêtres. Nous avons aussi perdu les miroirs au-dessus du feu, dans les salons modernes. Ce qui montre que la disposition du mobilier n'est pas innocente, qu'elle correspond — je devrais dire « qu'elle correspondait » — à l'équilibre du monde, à l'équilibre du chaud et du froid, si vous voulez. De nos jours, tout est « chaud », exacerbé (regardez en direction du Liban et de cette manie infantile de voir des terroristes partout, comme les enfants voient des monstres sous leur lit ou dans le placard) et qui sait garder la tête froide ?


Gilles

Jean-François a écrit:

Le passage de chaque jour envahit le jardin d’herbes hautes, obstinées, confiantes dans l’inexorable ineptie de ce détour à contempler sur la façade l’imparfaitement tiré des rideaux.
— Auraient-ils bougé ?

 

Ce texte a été écrit, ou du moins il nous a été donné, il y a plus d'un an, le 25 Juillet 2005. Il possède donc une histoire, qui se déroulait avant tout dans ma mémoire, car je l'avais lu à l'époque, et les bruits de la vie m'ont empêché de le commenter. Ensuite, je ne l'ai pas oublié, et j'y reviens ce soir un peu comme les herbes hautes qui — si elles pouvaient penser, si je pouvais me comparer sans rire à des herbes — gardent confiance. Mais il s'agit pour moi de la confiance dans les mots : nulle vacuité dans les mots, seuls intermédiaires entre le monde et nous. La preuve, c'est que ceux de Jean-François ont persisté dans ma mémoire jusqu'à ce maintenant où j'écris. Le « prisme de l'absence » (qui d'ailleurs est un très beau titre) les a transformés en souvenir persistant, en connivence

 

Jean-François a écrit:

Heurtée à l’imperfection des signes, à toute l’incompréhension du langage. […] Le dire se trahit-il, déserte t-il ? Ou clame-t-il cette page qui lui appartient, dans l’éperdu de sa vacuité...

 

Depuis que tu as montré ton visage, le visage à mon avis est un langage, je comprends tes textes autrement. Mieux.


Ennui

Sylvia Plath

Tea leaves thwart those who court catastrophe,
designing futures where nothing will occur:
cross the gypsy’s palm and yawning she
will still predict no perils left to conquer.
Jeopardy is jejune now: naïve knight
finds ogres out-of-date and dragons unheard
of, while blasé princesses indict
tilts at terror as downright absurd.

The beast in Jamesian grove will never jump,
compelling hero’s dull career to crisis;
and when insouciant angels play God’s trump,
while bored arena crowds for once look eager,
hoping toward havoc, neither pleas nor prizes
shall coax from doom’s blank door lady or tiger.



Les feuilles de thé aveuglent ceux qui frôlent la catastrophe,
qui échafaudent des lendemains où rien n'arrivera :
ne donnez rien à la diseuse de bonne aventure, et en baillant, elle
vous prédira quand même que vous vaincrez tous les périls.
Le danger est superflu, à notre époque : de naïfs chevaliers
trouvent que les ogres sont démodés, et des dragons
ils n'ont jamais entendu parler ; de même, des princesses blasées
considèrent que glisser dans la terreur est résolument absurde.

La bête qui vit dans la forêt des romans de James ne bondira jamais,
poussant de ce fait l'ennuyeuse carrière de héros vers l'état de crise ;
et quand des anges insouciants jouent le jeu de Dieu,
bien que les spectateurs des arènes, pour une fois, semblent intéressés,
et espèrent quelque mouvement, aucune requête ou récompense
ne peut tirer des portes aveugles de la mort les dames ou les tigres.


Traduction quasi littérale de manière à faire saisir le sens de ce poème particulièrement synthétique et rempli d'allusions littéraires, mais prémonitoire d'un certain aveuglement de cette époque, et de la nôtre.

Et une traduction libre :

Les feuilles de thé masquent la catastrophe,
et dessinent un avenir sans relief :

prenez sa main et la gitane en baillant
prédira qu’il n’y a plus aucun péril.
Le danger est disparu : pour les chevaliers naïfs
les ogres sont dépassés et les dragons
restent inouïs, et les princesses blasées décrètent
que l’épouvante est absurde.

La bête ne bondis pas hors des livres,
le héros est en pleine crise ;
pendant que des anges insouciants jouent à Dieu
et que les foules attendent l'agitation
aucune plaidoirie, aucune richesse
ne prémunit les dames ou les tigres contre la fin.


Allez, je donne l'exemple.
_____________

Ma vertu préférée : La discrétion.

Le principal trait de mon caractère : L'impatience.
La qualité que je préfère chez les hommes : La gentillesse.
La qualité que je préfère chez les femmes : La gentillesse.
Mon principal défaut : L'impatience.
Ma principale qualité : La fidélité.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : La sincérité.
Mon occupation préférée : Rêvasser.
Mon rêve de bonheur : Joker.
Quel serait mon plus grand malheur ? De ne pas voir mon rêve de bonheur se réaliser.
A part moi-même qui voudrais-je être ? Une archéologue.
Où aimerais-je vivre ? Dans un monde en paix.
La couleur que je préfère : Bleu.
La fleur que j'aime : La fleur de cerisier (et toutes les autres).
L'oiseau que je préfère : L'hirondelle.
Mes auteurs favoris en prose : Dumas, Loti, Molière, etc.
Mes poètes préférés : Heredia, Prévert, Desnos, etc.
Mes héros dans la fiction : Don Quichotte, Nils Holgersson, etc.
Mes héroïnes favorites dans la fiction : Les Fées (et leurs baguettes...).
Mes compositeurs préférés : Rakmaninov, Les Pink Floyd, Bach, etc.
Mes peintres préférés : Le Nain, "Les" Bruegel, les miniaturistes du Moyen Âge, etc.
Mes héros dans la vie réelle : Les pilotes de l'Aéro-Postale des débuts, Jean Moulin.
Mes héroïnes préférées dans la vie réelle : Florence Nightingale, Laura Ingalls, Lucile Desmoulins.
Mes héros dans l'histoire : L'Homme de Cromagon, Vercingétorix, Aliénor d'Aquitaine.
Ma nourriture et boisson préférée : Le fromage, l'eau (paradoxe... pas de fromage sans vin... :D)
Ce que je déteste par-dessus tout : Les gens bêtes et méchants.
Le personnage historique que je n'aime pas : A part Hitler ("hors-catégorie"), Pol Pot.
Les faits historiques que je méprise le plus : Les génocides.
Le fait militaire que j'estime le plus : La signature du traité de paix.
La réforme que j'estime le plus : L'instruction laïque, gratuite et obligatoire pour tous.
Le don de la nature que je voudrais avoir : La patience.
Comment j'aimerais mourir : D'un coup, et en bonne santé. :D.
L'état présent de mon esprit : Bof... J'ai du mal à répondre à tout, quelle idée j'ai eue là... :?
La faute qui m'inspire le plus d'indulgence : La faute avouée.
Ma devise : Quand ça ne va pas, faut bien que ça aille quand même.

 




#395217 Tristesse

Posté par Ariel - 23 mars 2022 - 11:51

J'aime beaucoup, sur ce fond à la cadence lamartinienne, l'irruption, comme d'un cornet, du mot "s'effritent".

Il a un goût de vraie vie...




#395070 Datée

Posté par Ariel - 04 mars 2022 - 11:06

.....Datée

 

 

Pierre noire
.....dans votre poche,
[datée]
de temps anciens où les cailloux parlaient
.....comme des lignes entre les mains

.......si simple,
alors,.......la vie,
.......c’était


Saisir la lumière des choses avant qu’elle ne s’efface

Du passage de l’homme aux cheveux blancs
.....il reste un rire

Sur la rétine la lumière ne demeure qu’un dixième de seconde

Et la rivière, d’une berge l’autre
.....débarque le temps qui passe




#394937 Miettes

Posté par Ariel - 21 février 2022 - 12:16

... et encore on a laissé Maurice Chevalier et le Front Populaire à la consigne !




#394230 Reveil

Posté par Ariel - 16 décembre 2021 - 11:28

On dirait un mobile.

Quelque chose bouge très lentement entre les équilibres.




#394229 Miettes

Posté par Ariel - 16 décembre 2021 - 11:21

On apprendrait à faire avec, longtemps
Il y aurait d’autres bols de lait tiède et de la patience.

On chercherait beaucoup d’amis,
ne trouverait pas assez d’amour
trop de compassion et pas assez d’insouciance.

On traverserait d’autres prairies, d’autres misères
et des petits matins givrés de présence




#390403 Les Magnifiques

Posté par Ariel - 05 juillet 2021 - 06:10

Les Magnifiques

 

A longer les murs de pierres du chemin, cette illusion qui ne protège ou si peu ni du vent ni de la pluie ni du froid, qui ne disait que de le suivre, de ne pas se perdre

cette illusion qui disait « tu as fait », oubliant où et de quoi, ces deux Magnifiques.

 

Marcher ici, c’est sur la liberté, quelques secondes de liberté - une éruption

immédiatement châtiée, à n’être que souvenir, à n’être que là, figée, recouverte.

Elle qui rêvait de fleuve descendant avec lenteur vers les Eoliennes, les brebis du Cyclope

et - pourquoi non ? - de subduction en subduction la Sérénissime ou le Gange et ses palais

En avant la musique, orgues silencieuses ! Poussières et cendres sont plus libres que vos libertés, si belles prisonnières.

 

A longer le mur qui ne demandait pas de le suivre mais une attention simple aux gestes qui l’avaient levé

- Tu as fait, par goût du travail, ou par ordre du travail, ou par pitié, par contrition (comme on élève une statue)

Ou par jeu. Oui ce serait par jeu, ce jeu sérieux d’enfants accroupis avec ces pierres-dés, jetées du centre de la Terre.

 

Sous les pelages de verdeurs ou de beauté, coulées de laves ou de glaces ou coulées d’amertumes encore serties par la racine. Dorment-elles, vraiment ?

S’asseoir, à même de si belles et telluriques mémoires

ou s’allonger comme le soir, couché entre les troupeaux, et attendre qu’elles s’éveillent

 

 

 

Mai 2021, sur le volcan du Cantal




#384363 Anachroniques

Posté par Ariel - 11 décembre 2020 - 11:30

Ce fut sur un banc au bout de la jetée qu’ils se rencontrèrent la première fois. La nuit était tombée depuis longtemps et le capitaine Némo regardant la Lune se dit tout haut que là était la suprême Tranquillité. Ulysse lui demanda s’il parlait de la Mer.

 

Un matin qu’ils nageaient au lever du soleil en mer Egée, Némo demanda à Ulysse pourquoi il n’avait jamais franchi les colonnes d’Hercule. Lui citant les baleines, les lamantins et les madrépores qu’il n’avait jamais pu rencontrer jusqu’alors. Ulysse l’étonna fort en lui avouant que Calypso l’avait tenu captif sept années durant en Islande et que Jules Vernes aurait dû consulter l’ouvrage sur Pythéas que lui avait conseillé Pierre Aronnax en visitant la salle des Cartes.

 

Ulysse avait aussi entendu parler d’Hendrick van der Zee. Le Capitaine le fit sourire en lui apprenant qu’il avait dans une autre vie connu la femme qui avait sauvé le Hollandais. Némo demanda au terme d’un long silence si Ulysse croyait à l’éternel retour et Ulysse lui raconta la magicienne Circé qui ne lui enseigna jamais comment s’extraire du Cycle et l’enferma dans son silence.

 

Ulysse dit un jour à Némo que son expérience des naufrages ne lui laissait statistiquement que peu de chances d’être un jour éperonné par le Nautilus. Qu’il se méfierait plutôt de son fils que de son ami. Némo prétendait que si îles et continents venaient à disparaitre sous un nouveau déluge il vivrait tout comme. Ulysse savait que s’il était devenu son ami c’est parce qu’il n’arriverait jamais à le comprendre.